II. Études de cas contemporains

1. ZAD et expérimentations d’autonomie collective

Les Zones à Défendre (ZAD), comme celle de Notre-Dame-des-Landes en France, incarnent une mise en pratique concrète de l’empowerment personnel et collectif. À l’origine, des habitants et des militants s’opposent à un projet d’aéroport. Progressivement, la lutte devient une expérimentation sociale et politique : construction de cabanes, cultures collectives, assemblées décisionnelles.

Chaque individu y apprend à vivre autrement, à coordonner des actions, à faire société hors des cadres dominants. Le succès (l’abandon du projet en 2018) montre qu’un pouvoir d’agir local peut faire reculer des intérêts étatiques et capitalistes1.

2. Mouvements indigènes et autonomies communautaires

Au Mexique, le mouvement zapatiste incarne depuis 1994 une tentative d’autonomie intégrale : organisation politique communautaire, démocratie directe, égalité de genre, éducation autonome. Le pouvoir d’agir personnel s’y construit dans un cadre communautaire structurant.

Les peuples indigènes d’Amazonie, ou les Premières Nations nord-américaines, luttent également pour défendre leurs territoires, leurs cultures et leurs droits collectifs. Ces mobilisations articulent fierté identitaire, résistance écologique et réinvention du lien social, en rupture avec le modèle extractiviste global2.

3. Plateformes coopératives et économie numérique solidaire

Face à l’ubérisation, des initiatives comme CoopCycle ou Fairbnb offrent une alternative au modèle de plateforme capitaliste. Gouvernées démocratiquement par les travailleurs, elles favorisent un empowerment fondé sur la coopération, la transparence et le partage des savoirs3.

Les collectifs de livreurs (comme le CLAP à Paris) montrent que même des travailleurs précaires et isolés peuvent s’organiser pour revendiquer des droits. À travers groupes de discussion, grèves ou coopératives, ils reconstituent du lien et réapproprient leurs conditions de travail4.

4. Mouvements féministes transnationaux

Des mobilisations comme Ni Una Menos (Amérique latine) ou #MeToo (global) montrent comment des expériences individuelles de violence ou d’injustice peuvent donner naissance à une mobilisation collective puissante.

En mettant en commun leurs récits, les femmes transforment la honte en fierté, la peur en action. Ces mouvements démontrent que le personnel est politique : l’empowerment commence souvent par une prise de parole solitaire, mais s’épanouit en force collective5.

Ils s’appuient aussi sur des formes d’organisation décentralisées et inclusives, mêlant réseaux sociaux, manifestations, grèves féministes, et création de solidarités durables (caisses, entraides, formations…).


Notes de bas de page

  1. Collectif Mauvaise Troupe (2018). Contrées – Histoires croisées de la ZAD et d’ailleurs. Paris : L’Éclat. 

  2. EZLN. Déclarations de la forêt Lacandone (1994–2020). 

  3. Scholz, T. (2016). Platform Cooperativism. New York : Rosa Luxemburg Stiftung. 

  4. Barro, A. & Bureau, M.-C. (2021). « L’émergence de collectifs de livreurs : vers un syndicalisme d’un nouveau genre ? », Revue française de socio-économie

  5. Fraser, N. (2011). Féminisme, capitalisme et ruses de l’histoire, Les Temps modernes