Pilarisation : déclin et état actuel

À partir des années 1960, la société belge a connu d’importantes transformations (urbanisation, sécularisation, individualisme croissant) qui ont érodé l’emprise des piliers traditionnels. On parle de dépilarisation pour décrire ce recul progressif des allégeances « de bloc ».

Déjà vers 1990, il apparaissait clairement que les piliers perdaient de leur cohésion, lentement mais irrésistiblement en Belgique1. Aujourd’hui, les analystes s’accordent à dire que l’ère de la pilarisation classique est révolue en Europe de l’Ouest, y compris en Belgique2.

Concrètement, les réseaux institutionnels piliers subsistent partiellement (par exemple les mutualités ou écoles libres d’orientation catholique, socialiste, etc.), mais l’adhésion des individus à un pilier exclusif s’est fortement atténuée. Les citoyens belges ne vivent plus confinés dans un « monde autarcique » unique ; ils naviguent librement d’une offre à l’autre (médias, écoles, associations) en fonction de choix personnels plus que par fidélité à un pilier.

La sécularisation a largement réduit le poids du clivage religieux : l’Église catholique, jadis pilier omniprésent, a vu son influence décliner fortement. De même, la montée de nouveaux clivages (environnemental, sociétal) et la diversification des valeurs ont fragmenté l’électorat autrement qu’en blocs monolithiques.

Toutefois, certains résidus de pilarisation demeurent visibles. En Flandre, par exemple, le réseau de l’enseignement catholique est encore très étendu et suivi par une majorité d’élèves, même si son public est désormais très hétérogène. De même, en Wallonie, des institutions comme les mutualités socialistes ou chrétiennes continuent de jouer un rôle important, bien que le choix de ces services soit davantage motivé par des considérations pratiques que par loyauté idéologique.


  1. Lijphart, Arend. Democracy in Plural Societies. Yale University Press, 1977. 

  2. Deschouwer, Kris. The Politics of Belgium. Palgrave Macmillan, 2012.