Pilarisation : comparaisons internationales
Le phénomène de pilarisation n’était pas propre à la Belgique. Les Pays-Bas ont connu un système de verzuiling similaire (avec un pilier protestant en plus) et tout aussi structurant jusqu’aux années 1960. Cependant, la dépilarisation y a été plus précoce et plus radicale : dès les années 1970–80, les piliers néerlandais se sont largement effondrés, et la société néerlandaise est aujourd’hui bien plus sécularisée et individualisée qu’à l’époque1.
La Belgique, elle, a suivi le même chemin mais de façon plus lente et nuancée, conservant çà et là des traces de ses anciens piliers2.
D’autres démocraties européennes avaient des clivages segmentaires (par ex. l’Autriche ou la Suisse, avec clivages religieux/linguistiques), mais nulle part ailleurs le « pluralisme segmenté » n’a été aussi institutionnalisé qu’en Belgique et aux Pays-Bas au XXᵉ siècle3.
En Suisse, par exemple, des clivages linguistiques et confessionnels ont bien existé, mais la culture politique fondée sur la démocratie directe et le fédéralisme territorial les a traités autrement. La logique n’était pas celle des piliers cloisonnés dans toutes les sphères de la vie, mais plutôt celle d’une gestion intercantonale.
Ainsi, la Belgique et les Pays-Bas apparaissent comme les cas emblématiques d’une institutionnalisation poussée des divisions sociales, là où d’autres pays ont préféré les absorber dans des logiques territoriales ou les laisser s’éroder sans mécanismes formalisés.