Éducation civique

Dans les années 1980, l’éducation civique au sens strict n’existe pas encore comme cours indépendant dans les programmes scolaires belges.

L’instruction des jeunes aux principes démocratiques et aux valeurs citoyennes se fait principalement à travers les cours dits philosophiques obligatoires – cours de religion (plusieurs au choix) ou cours de morale non confessionnelle – héritage du Pacte scolaire de 1958.

Dans les écoles officielles (non confessionnelles), les élèves dont les parents ne veulent pas d’un cours religieux suivent le cours de morale laïque, qui vise entre autres à former l’esprit critique et aborde des notions d’éthique et de vivre-ensemble démocratique.

Ce cours, inspiré par l’esprit du libre examen, s’apparente à un cours d’éducation civique et de philosophie mêlés, mais il ne concerne qu’une partie des élèves (ceux qui le choisissent dans l’enseignement officiel).

Dans les écoles catholiques (majoritaires en Flandre et nombreuses en Wallonie), aucun cours spécifique de citoyenneté n’est dispensé en dehors du cours de religion catholique, lequel traite surtout de morale chrétienne et peu des institutions civiles.

L’apprentissage formel du fonctionnement de l’État belge repose donc surtout sur les cours d’histoire ou d’études sociales, où les grandes lignes de la Constitution de 1831 et des droits fondamentaux peuvent être évoquées (notamment en cycle secondaire).

En dehors du cadre scolaire, l’éducation civique passe par des canaux informels : mouvements de jeunesse (scoutisme, patro, etc.) inculquant des valeurs de coopération et de responsabilité, et événements commémoratifs (comme les cérémonies patriotiques du 11 novembre dans les écoles) qui rappellent l’importance de la démocratie et de la paix.

Ainsi, dans les années 1980, la formation citoyenne des jeunes Belges dépend largement du réseau d’enseignement fréquenté et du contexte familial, sans cursus commun systématique pour tous.

Justice sociale

Dans les années 1980, le modèle belge d’État-providence est mis à rude épreuve par la crise économique, ce qui soulève de nouveaux défis en matière de justice sociale.

Le chômage atteint des sommets (environ 14 % de la population active en 1983) et la désindustrialisation frappe particulièrement la Wallonie, creusant l’écart socio-économique avec une Flandre plus prospère et orientée vers les services.

Face à la montée du chômage et de la pauvreté, l’État maintient ses mécanismes de solidarité : le système d’allocations de chômage, déjà l’un des plus généreux d’Europe, n’est pas remis en question, et des programmes de prépension (préretraite) sont instaurés pour libérer des emplois aux jeunes.

Toutefois, sous l’effet de la dette publique élevée, les gouvernements Martens appliquent des politiques d’austérité qui touchent les acquis sociaux (blocage temporaire de l’indexation automatique des salaires en 1982, réduction de certaines dépenses de sécurité sociale).

Ces mesures suscitent d’importants mouvements sociaux, comme la grève générale de l’hiver 1983-84 soutenue par les syndicats socialistes et chrétiens, témoignant de la vigilance de la société civile quant à la justice sociale.

Malgré les tensions, le compromis social belge perdure : via la concertation entre partenaires sociaux, des accords interprofessionnels sont conclus pour limiter les pertes de pouvoir d’achat des travailleurs les plus modestes, et les mécanismes de redistribution (allocations familiales, soins de santé universels, aide sociale via le « minimex ») continuent de jouer leur rôle d’amortisseurs.

En parallèle, de nouveaux thèmes de justice sociale émergent dans le débat public : l’égalité hommes-femmes sur le marché du travail (loi sur l’égalité salariale en 1981) ou la reconnaissance des droits des minorités immigrées (octroi du droit de vote aux communales aux ressortissants de l’UE en 1988), élargissant la notion de justice sociale au-delà de la seule redistribution économique.

Liberté des médias

Dans les années 1980, la liberté des médias en Belgique demeure garantie par la Constitution (l’article 25 consacre la liberté de la presse et interdit la censure), mais le paysage médiatique entame de profonds changements.

Jusqu’au milieu des années 1980, l’audiovisuel est dominé par les radiotélévisions publiques – la RTBF pour les francophones et la BRT pour les néerlandophones – souvent proches des partis politiques traditionnels dans le cadre de la « pillarisation ».

À la fin de la décennie, la libéralisation s’accélère : en 1987, la première chaîne de télévision privée, RTL-TVi, est lancée en Communauté française, rompant le monopole de la RTBF sur ce secteur.

Peu après, en 1988-1989, les Communautés adoptent des décrets autorisant la diffusion de publicité commerciale à la télévision privée puis publique, ouvrant l’audiovisuel à la concurrence et à la logique de marché.

Cette diversification renforce le pluralisme médiatique. Parallèlement, la presse écrite, qui compte de nombreux titres nationaux et régionaux, jouit d’une liberté totale de ton, parfois tempérée par l’autodiscipline liée aux piliers (journaux catholiques, socialistes, libéraux).

Globalement, à la fin des années 1980, les journalistes belges exercent sans entraves étatiques, dans un cadre démocratique solide.

Participation citoyenne

Dans les années 1980, la participation citoyenne en Belgique s’exprime principalement par le biais des élections et de la vie associative traditionnelle, dans un paysage encore fortement pillarisé.

Le vote obligatoire – en vigueur depuis 1893 – assure un taux de participation électorale très élevé (souvent au-dessus de 90 %), ce qui fait que la représentation parlementaire reflète fidèlement les clivages de la société.

En dehors des urnes, les citoyens belges participent à la vie publique par l’entremise des organisations de la société civile liées aux piliers : syndicats (FGTB socialiste, CSC chrétienne) qui mobilisent largement, mutuelles, associations de jeunesse catholiques ou laïques, etc.

Les grandes manifestations de rue et les grèves constituent une autre modalité de participation active.

Par exemple, en 1983, un vaste front syndical mène une grève générale contre les mesures d’austérité du gouvernement Martens, mobilisant des centaines de milliers de personnes à travers le pays.

De même, en 1985, environ 150 000 citoyens manifestent à Bruxelles contre l’installation des missiles nucléaires de l’OTAN (euromissiles), signe d’un mouvement pacifiste populaire ancré dans la société civile belge.

Ces mobilisations, généralement encadrées par les organisations traditionnelles (syndicats, partis, ONG pacifistes), témoignent d’une culture participative forte, bien qu’indirecte.

En revanche, la démocratie directe institutionnalisée reste quasi absente : aucun référendum national n’est organisé (le dernier remontait à 1950) et les consultations populaires locales ne seront rendues possibles qu’à la fin de la décennie (une disposition constitutionnelle de 1988 autorise les référendums communaux consultatifs, utilisés très rarement par la suite).

Ainsi, dans les années 1980, la participation citoyenne est réelle mais canalisée par les structures existantes, dans une démocratie de consensus où le dialogue social et le compromis tempèrent souvent les élans protestataires.

Séparation des pouvoirs

Dans les années 1980, la Belgique amorce sa transformation institutionnelle : la deuxième réforme de l’État en 1980 crée les Régions (la Wallonie et la Flandre) et consacre le principe d’autonomie régionale, tandis que du côté flamand le concept de Communauté culturelle reste central.

La troisième réforme de 1988-1989 voit la création de la Région de Bruxelles-Capitale, un compromis majeur, ainsi que de nouvelles lois de financement qui posent la question sensible du financement de la Communauté française, dépourvue de fiscalité propre.

Ces évolutions « verticales » de la séparation des pouvoirs s’accompagnent de contrepoids : en 1984 est instituée la Cour d’arbitrage (future Cour constitutionnelle) pour arbitrer les conflits de compétences entre entités, renforçant le contrôle juridictionnel du fédéralisme.

Par ailleurs, le pouvoir judiciaire demeure traditionnel mais indépendant, tandis que l’exécutif et le législatif fonctionnent selon un modèle parlementaire classique (le gouvernement étant responsable devant le parlement).

Le Roi, chef de l’État, intervient peu sur le plan politique dans cette décennie, exerçant un rôle largement protocolaire mais conservant en théorie le pouvoir de sanctionner les lois votées.

Transparence

Dans les années 1980, la culture de la transparence gouvernementale en est encore à ses balbutiements en Belgique. La gestion publique, notamment budgétaire, est souvent critiquée pour son opacité : la dette publique explose (dépassant 130 % du PIB à la fin de la décennie) et le gouvernement adopte des plans d’austérité dont la lisibilité pour le citoyen est limitée, comme le blocage des salaires décidé en 1982 pour restaurer la compétitivité.

Les décisions importantes sont souvent prises dans le huis clos du Conseil des ministres ou des négociations socio-économiques tripartites, avec une communication minimaliste envers le grand public.

Il n’existe pas encore de législation sur l’accès aux documents administratifs, et la pratique du secret administratif prévaut : par exemple, les archives de l’État restent difficilement consultables et les citoyens n’ont pas de droit formel de regard sur les documents officiels en cours.

En fin de décennie toutefois, sous l’influence de la construction européenne et de la pression de la société civile, l’idée gagne du terrain qu’il faut ouvrir les fenêtres de l’administration.

Les premières mesures en ce sens sont timides, mais symboliques : publication plus fréquente des rapports de la Cour des comptes, création en 1985 d’une Commission parlementaire d’enquête sur la sûreté de l’État (après les « tueurs du Brabant ») dont les auditions sont partiellement publiques…

Ces évolutions préparent les avancées légales de la décennie suivante.

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