Éducation civique

Au cours des années 2000, l’idée d’une véritable éducation civique commune à tous les élèves progresse, portée par des débats sur la laïcité de l’enseignement et sur la nécessité de former des citoyens dans une société pluraliste.

En Communauté française (qui couvre la Wallonie et Bruxelles francophone), la pression monte pour réformer les cours philosophiques : de plus en plus de parents et d’acteurs éducatifs jugent anachronique le cloisonnement entre cours de religion et de morale, et souhaiteraient un cours commun d’éducation à la citoyenneté.

Cette aspiration se heurte encore à des résistances politiques (des partis comme le CDH, d’inspiration chrétienne, défendent le maintien des cours de religion).

Néanmoins, des avancées se font jour : en 2005, la Communauté française introduit un cours d’éducation économique et sociale en 5e secondaire dans l’enseignement général, qui inclut des notions de citoyenneté (droits sociaux, institutions belges et européennes, enjeux économiques contemporains) – même si ce cours optionnel ne touche qu’une partie des élèves.

En Flandre, où les cours de religion restent très implantés, le gouvernement flamand décide en 2003 d’intégrer dans les objectifs éducatifs (eindtermen) du secondaire des compétences en éducation civique (burgerschapsvorming), à atteindre de manière transversale dans différentes matières.

Par exemple, les enseignants de géographie sont encouragés à parler du développement durable et de la citoyenneté mondiale, ceux d’histoire des institutions démocratiques belges et de la construction européenne, etc..

Cette approche diffuse vise à contourner le verrou constitutionnel de la liberté de choix des cours philosophiques, tout en renforçant la culture citoyenne.

D’autre part, les années 2000 voient également la généralisation de programmes d’intégration civique pour les migrants primo-arrivants : initiés en Flandre en 2003 et en Wallonie en 2004, ces parcours incluent un module d’« orientation sociale » où l’on enseigne aux nouveaux venus les bases du fonctionnement de la société et des institutions belges.

Si ces parcours visent d’abord l’intégration des étrangers, ils constituent aussi une forme d’éducation civique pour adultes et témoignent de la volonté du pays de diffuser les valeurs démocratiques communes.

En résumé, les années 2000 préparent le terrain d’une véritable éducation civique scolaire : le consensus se fait peu à peu sur son importance, mais sa mise en œuvre concrète reste partielle et disparate, en attendant une réforme plus globale.

Justice sociale

Les années 2000 connaissent de nouveaux progrès en matière de justice sociale, portés par un contexte économique globalement favorable jusqu’en 2008 et par une volonté politique de moderniser l’État social.

La coalition « Arc-en-ciel » (1999-2003, réunissant libéraux, socialistes et écologistes) puis la coalition « violette » (2003-2007, libéraux + socialistes) mettent en œuvre d’importantes réformes sociétales qui font également partie de la justice sociale au sens large : en 2002, la Belgique légalise l’euthanasie sous conditions strictes, actant le droit à une fin de vie dans la dignité, et en 2003 elle ouvre le mariage civil aux couples de même sexe, suivie en 2006 par l’adoption pour ces couples – des mesures saluées internationalement qui renforcent l’égalité des droits.

Sur le plan socio-économique, plusieurs dispositions améliorent la redistribution : à partir de 2001-2002, les gouvernements successifs diminuent l’impôt des personnes physiques sur les bas et moyens revenus (via la réforme fiscale dite « bonus social »), augmentent les allocations sociales minimales (objectif dit du « Pacte de solidarité entre les générations » en 2005) et instaurent en 2002 le revenu d’intégration sociale (remplaçant le minimex) pour mieux encadrer l’aide sociale aux plus démunis.

Le taux de chômage recule au milieu des années 2000 (autour de 7 % en 2007, niveau le plus bas depuis 25 ans), et la pauvreté se stabilise à un niveau relativement bas par rapport aux voisins européens grâce à ces politiques redistributives. Cependant, la fin de la décennie est marquée par la crise financière mondiale de 2008-2009, qui met un coup d’arrêt à l’embellie.

La Belgique voit son PIB chuter en 2009 et doit sauver certaines banques (Fortis, Dexia), ce qui accroît la dette publique.

Pour préserver la justice sociale face à cette crise, l’État active ses stabilisateurs automatiques : augmentation des dépenses de chômage temporaire pour éviter des licenciements massifs, et plan de relance en 2009 incluant des réductions d’impôts ciblées et des investissements publics.

Ces mesures atténuent les effets sur la population, mais le chômage remonte légèrement en 2009-2010.

En résumé, les années 2000 ont été un temps d’élargissement des droits et de consolidation de la protection sociale, malgré un retournement de conjoncture en fin de période qui annonce de nouveaux défis pour la décennie suivante.

Liberté des médias

Au cours des années 2000, le paysage médiatique belge est bouleversé par la révolution numérique, ce qui amène de nouveaux enjeux pour la liberté de la presse.

L’essor d’Internet fait émerger des sites d’information en ligne et des forums qui diversifient les sources d’information et échappent partiellement aux cadres de régulation traditionnels.

La presse écrite subit une crise structurelle (baisse des tirages, perte de revenus publicitaires), mais les principaux quotidiens belges survivent en se modernisant et en lançant des versions numériques. La liberté de la presse reste élevée : la Belgique figure régulièrement parmi les 20 premiers pays au monde dans les classements de Reporters sans frontières après 2002.

Toutefois, de nouvelles problématiques apparaissent. La concentration des médias s’accentue (quelques groupes dominent désormais la télévision, la radio et la presse dans chaque communauté) et soulève la question de l’indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires.

Des polémiques éclatent aussi sur la protection des sources journalistiques, aboutissant à la loi de 2005 sur le secret des sources qui offre aux journalistes belges l’une des protections les plus robustes en Europe.

La fin de la décennie voit également les premiers affrontements entre le monde politique et les nouveaux médias : en 2009, certains élus tentent vainement de faire retirer des vidéos les concernant sur Internet, apprenant ainsi à composer avec la liberté d’expression sur le web.

Globalement, les années 2000 confirment la solidité du principe de liberté médiatique, tout en posant les bases des défis de la décennie suivante (régulation d’Internet, modèle économique de la presse, etc.).

Participation citoyenne

Au cours des années 2000, les modes de participation citoyenne évoluent sous l’effet des nouvelles technologies et de la mondialisation des enjeux, tandis que l’État cherche à rapprocher les citoyens du processus décisionnel.

L’essor d’Internet et des télécommunications offre de nouveaux espaces d’expression politique : des blogs et forums politiques (comme Politics.be en Flandre ou Bruxellois, je t’aime côté francophone) apparaissent, permettant à tout un chacun de débattre publiquement en ligne.

Les pétitions électroniques font leur apparition – par exemple, en 2005, une pétition en ligne réunit plus de 135 000 signatures contre le projet de taxation des comptes épargne, obligeant le gouvernement Verhofstadt à revoir sa copie.

Sur le terrain international, la participation citoyenne belge se manifeste dans les grands mouvements altermondialistes et pacifistes : en 2003, environ 70 000 personnes manifestent à Bruxelles contre la guerre en Irak, dans le cadre des protestations mondiales, et en 2001 la capitale avait accueilli les contre-sommets anti-OMC/anti-G8 où de nombreux Belges s’étaient mobilisés.

Ces engagements traduisent l’élargissement des préoccupations citoyennes à l’échelle planétaire. Par ailleurs, les pouvoirs publics commencent à encourager la participation directe : plusieurs villes belges instaurent des budgets participatifs à partir de la fin des années 2000 (par exemple à Schaerbeek en 2008, où des habitants décident de l’affectation d’une partie du budget communal).

Le niveau fédéral expérimente timidement les consultations : en 2009, à l’occasion de la présidence belge de l’UE, le gouvernement lance un forum en ligne pour recueillir les priorités des citoyens européens, et certaines commissions parlementaires organisent des auditions ouvertes de citoyens et d’experts.

La notion de démocratie participative fait son chemin dans les discours officiels, sans révolution immédiate toutefois. C’est aussi la décennie où l’abstentionnisme commence à poindre malgré le vote obligatoire : aux élections 2007, on note une hausse des votes blancs/nuls (environ 5 %), signe d’une certaine distance d’une frange de citoyens vis-à-vis de l’offre politique classique.

Face à cela, des initiatives citoyennes voient le jour pour réinventer l’engagement : en 2007, la plateforme Mouvements.be réunit différentes associations pour promouvoir l’implication citoyenne dans la lutte contre les inégalités et le changement climatique, et en 2009 un collectif propose sans succès l’idée d’une Assemblée citoyenne tirée au sort pour sortir de la crise politique.

En résumé, les années 2000 dessinent un paysage où la participation citoyenne se diversifie – du local au global, du présentiel au virtuel – préparant le terrain aux innovations démocratiques de la décennie suivante.

Séparation des pouvoirs

Au cours des années 2000, le fonctionnement des institutions est marqué par de nouvelles négociations communautaires ainsi que par des crises politiques inédites.

En 2001, une cinquième réforme de l’État (accords du Lambermont et du Lombard) transfère des compétences supplémentaires aux entités fédérées – par exemple en matière d’agriculture, de commerce extérieur ou de finances locales – poursuivant l’approfondissement du fédéralisme belge.

Le paysage politique se fragmente davantage, ce qui complique la formation de gouvernements fédéraux stables : après les élections de 2007, la Belgique connaît une instabilité prolongée et bat un premier record avec 194 jours sans gouvernement de plein exercice.

Un incident notable survient en 2008 lors de l’« affaire Fortis » : des allégations d’ingérence de l’exécutif dans une procédure judiciaire liée à la vente de la banque Fortis contraignent le Premier ministre Yves Leterme et son gouvernement à démissionner, soulignant la vigilance autour de l’indépendance de la Justice.

Néanmoins, malgré ces soubresauts, les principes de base de la séparation des pouvoirs perdurent.

Le Parlement fédéral exerce son contrôle sur le gouvernement (motions de confiance/méfiance, pouvoir budgétaire) et les contre-pouvoirs institutionnels se renforcent : la Cour constitutionnelle (nouveau nom de la Cour d’arbitrage en 2007) voit son rôle élargi au contrôle des droits fondamentaux, et le Conseil d’État continue de jouer son rôle de juridiction administrative suprême.

La monarchie, quant à elle, reste un arbitre discret lors des formations gouvernementales, intervenant comme médiateur en nommant informateurs et formateurs, sans empiéter sur le champ politique démocratique.

Transparence

Au cours des années 2000, la transparence s’élargit avec l’essor de l’administration électronique et de nouvelles normes de « bonne gouvernance ».

Les autorités fédérales et régionales commencent à publier en ligne de plus en plus d’informations dans un esprit de gouvernement ouvert (open data).

Par exemple, dès 2003, le Moniteur belge – journal officiel – est consultable gratuitement en ligne, ce qui facilite l’accès de tous aux lois et arrêtés. Des portails de données publiques sont progressivement mis en place (le portail fédéral data.gov.be verra le jour en 2011, préparé durant la fin des années 2000).

Sur le plan politique, la Chambre des représentants crée en 2004 un site web listant les présences et votes des députés, offrant une meilleure transparence de l’activité parlementaire.

Un autre chantier important est la lutte contre les conflits d’intérêts et le cumul des mandats : la pression médiatique pousse les élus à plus de transparence sur leurs fonctions et rémunérations. En 2005, le Parlement wallon publie pour la première fois la liste complète des mandats et des rémunérations de ses membres, suivi par d’autres institutions.

Les débats parlementaires, qui étaient déjà publics, deviennent plus accessibles grâce à la diffusion en direct sur le web ou à la télévision de certaines séances et commissions. Malgré ces progrès, quelques domaines demeurent opaques : par exemple, les nominations politiques dans les entreprises publiques ou les cabinets ministériels restent parfois entourées de discrétion.

Néanmoins, la société civile belge s’organise pour réclamer plus de clarté, à l’image de l’ONG Transparencia qui commence en 2008 à publier des documents obtenus via la loi de 1994, ouvrant la voie à une nouvelle forme d’activisme pro-transparence.

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