I. 2013–2014 : État stationnaire, société fracturée

  • Fin du gouvernement Di Rupo : coalition de gestion sans projet.
  • Explosion des inégalités sociales, stagnation des réformes de fond.
  • La crise de la légitimité politique s’installe durablement : participation électorale baisse, confiance dans les partis s’effondre.
  • Les grandes villes (Bruxelles, Liège, Anvers) deviennent des archipels sociaux étanches.

Un État formellement présent, mais absent sur le terrain.


II. 2014–2018 : Gouvernement Michel I – L’âge néolibéral assumé

> Coalition suédoise (MR – N-VA – CD&V – Open VLD)

  • Le MR de Charles Michel gouverne sans majorité francophone, au nom de la “responsabilité”.
  • La N-VA impose une logique de démantèlement progressif de l’État fédéral.
  • Réformes : recul de l’âge de la retraite, mesures antisociales, répression accrue des mobilisations, politiques sécuritaires renforcées.
  • Montée de l’hostilité envers les syndicats, les migrants, les “assistés”.

La Belgique entre en mode “start-up autoritaire” : austérité, branding, gestion de crise.


III. 2018 : Explosion silencieuse

> Chute de Michel I – Révolte sourde

  • Le Pacte de Marrakech (sur les migrations) fait éclater la coalition : la N-VA quitte le gouvernement.
  • Michel reste en affaires courantes jusqu’aux élections de 2019.
  • Pendant ce temps, la Belgique connaît une mobilisation inédite des Gilets Jaunes (surtout en Wallonie) :
    • Barrages routiers, ronds-points occupés, tensions sociales extrêmes.
    • Mépris total des élites francophones, absence de relais médiatiques.

La fracture est consommée. Mais aucune traduction politique institutionnelle ne suit.


IV. 2019–2020 : Vide prolongé, pays en veille

  • Élections fédérales de 2019 : aucun gouvernement formé avant près de 500 jours.
  • Montée du PTB-PVDA, stabilité de la N-VA, implosion des partis traditionnels.
  • Bruxelles continue de fonctionner sous perfusion européenne.
  • La Belgique est en veille prolongée, sans ligne directrice ni volonté de réforme.

Fin 2019 – Début 2020 : COVID-19 frappe un État sous anesthésie

  • La pandémie expose l’impréparation totale de l’appareil fédéral :
    • Manque de masques
    • Confusion des niveaux de pouvoir
    • Multiplication des conférences de presse contradictoires
  • Le gouvernement de Sophie Wilmès est mis en place in extremis pour gérer la crise.

La pandémie révèle ce que l’on refusait d’admettre : la Belgique est un pays en défaut systémique de coordination.


V. Bilan transversal 2013–2020

Institutions :

  • Le fédéralisme est devenu une structure paralytique.
  • La démocratie représentative est épuisée, sans débouché transformateur.

Société :

  • Montée des mouvements spontanés (Gilets jaunes, collectifs locaux, syndicats de terrain).
  • Disparition de la classe moyenne structurante, montée de la précarité invisible.

Culture politique :

  • Méfiance généralisée, complotisme diffus, refus de l’autorité centrale.
  • Rôle croissant des réseaux alternatifs (groupes Facebook, médias autonomes, entraide de proximité).

VI. Conclusion : la fin du cycle

La Belgique post-2013 n’est plus en crise.
Elle est entrée dans un état d’effondrement administratif lent, où le silence, l’indifférence et la gestion technocratique remplacent toute forme de projet collectif.
La pandémie n’a pas causé la rupture. Elle l’a confirmée.

Le pays tient par habitude, non par adhésion.
Ce n’est plus une démocratie. C’est un mécanisme à cliquet rouillé.

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