I. 1996–2000 : La gueule de bois démocratique
> Post-Dutroux : réforme de façade, désillusion profonde
- Après la Marche blanche, la société civile espère un sursaut.
- Réformes judiciaires et policières votées en urgence : fusion police/gendarmerie, réforme du secret d’instruction.
- Mais très vite, les structures se reconstituent en vase clos.
- Le système judiciaire reste lent, opaque, soumis à des pressions politiques.
- Les réseaux d’influence, eux, s’adaptent : plus discrets, plus connectés.
La promesse de transparence a accouché d’une technostructure inviolable, non d’un contre-pouvoir populaire.
II. 2000–2007 : Le déni fédéral
> Érosion lente, fédéralisme de façade, crise rampante
- L’État fédéral devient un simulacre : chaque entité (Flandre, Wallonie, Bruxelles) défend ses compétences sans coordination réelle.
- Tensions sur la loi de financement, la répartition fiscale, les nominations judiciaires.
- La Flandre demande plus d’autonomie, la Wallonie s’enfonce dans la dépendance structurelle aux transferts.
- Bruxelles reste une entité hybride, sur-administrée, sans projet politique propre.
Le pays vit une cohabitation à trois têtes, sans vision partagée, piloté par l’usure.
III. 2007–2011 : Crise constitutionnelle prolongée
> Le « record du monde » du non-gouvernement (541 jours)
- Élections de 2007 : aucun accord communautaire. Crise ouverte.
- 2010–2011 : chute de Leterme, 541 jours sans gouvernement fédéral.
- Pendant ce temps : gestion courante assurée, marchés rassurés, mais démocratie évacuée.
- Apparition du discours sur la scission de la Belgique dans les médias dominants.
Le vide politique devient une norme. Le blocage est désormais intégré au fonctionnement du régime.
IV. 2011–2013 : Gouvernement Di Rupo I, dernier gouvernement de transition ?
- Coalition dite de “l’impossible” : PS – CD&V – Open VLD – MR – sp.a – CDH – Groen.
- Objectif : éviter la faillite en pleine crise de la zone euro.
- Réformes économiques douloureuses, baisse des dépenses publiques, pacte de compétitivité.
- Mais le régime reste fragile, inadapté à tout projet de long terme.
- La confiance populaire est au plus bas, le taux d’abstention grimpe lentement.
Le système tient encore… mais plus personne n’y croit vraiment.
V. Bilan transversal 1996–2013
Société :
- Désaffiliation politique massive.
- Rétraction des services publics.
- Perte de repères collectifs (école, justice, médias).
Politique :
- Dérive vers un fédéralisme à géométrie variable.
- Montée de nouvelles formations régionales (N-VA, PTB).
- Légitimité institutionnelle en érosion constante.
Économie :
- Impact fort de la crise de 2008.
- Prolifération de l’économie précarisée, croissance des inégalités.
- Bruxelles devient un hub tertiaire européen, mais les bénéfices sont concentrés.
VI. Conclusion : l’illusion du maintien
1996–2013 n’est pas une période de stabilité.
C’est une phase d’endormissement contrôlé, une gestion de l’échec sans rupture visible.
Un État qui fonctionne sur le mode “par défaut”, jusqu’au moment où une crise plus large (sanitaire, climatique, géopolitique) provoquera l’irréversible.
Ce n’est pas la Belgique qui tient encore.
Ce sont ses restes qui n’ont pas encore été réclamés.